Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/137

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par un discours qui va, je le sais, provoquer des polémiques. Plusieurs membres du cabinet sont là, auprès de moi. À M. Raoul Péret, qui est arrivé en même temps que moi, se sont joints M. Doumergue, M. Lebrun, M. Métin, venus dans la matinée. En leur présence et en plein accord avec eux, j’expose franchement ma conception du rôle qui m’est assigné par la Constitution. Je mécontenterai sans doute beaucoup d’hommes politiques. Les uns me reprocheront peut-être d’exagérer mes pouvoirs, les autres m’accuseront certainement de les amenuiser. J’ai cependant conscience d’être dans le vrai. « Il m’est très agréable, dis-je à M. Cazeneuve, de vous entendre déclarer que, fidèle à la vérité constitutionnelle, vous placez en dehors des partis les fonctions et la personne du Président de la République. Si, dans l’exercice de sa magistrature, il ne peut encourir aucune responsabilité parlementaire ou politique, c’est qu’il doit rester étranger aux inévitables divisions d’une libre démocratie, c’est qu’il doit être et rester, je me plais à le redire, le Président de tous les Français ; c’est qu’il doit remplir, avec une loyauté scrupuleuse et avec le souci constant des grands intérêts nationaux, le rôle d’arbitre et de conseiller que lui assigne la Constitution républicaine. La France, qui a fait la triste expérience du pouvoir personnel et qui ne la recommencera plus, entend se diriger elle-même et contrôler souverainement, par l’entremise des représentants qu’elle se donne, l’action quotidienne des cabinets responsables. En même temps, elle veut que, dans l’État, toutes les fonctions, les plus modestes et les plus hautes, soient consciencieusement remplies par ceux à qui elles sont confiées et elle