Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/148

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service militaire de trois ans, je réponds que mon voyage sur la vieille terre d’Armorique m’a déjà montré l’attachement des populations à la République et la fermeté de leur patriotisme ; et j’ajoute : « Vous avez tenu à me répéter que personne, parmi les Bretons des Côtes-du-Nord, ne consentirait à laisser affaiblir l’armée ou compromettre la défense nationale. Je n’attendais pas moins de votre clairvoyance. Ce n’est pas sur cette terre de marins et de soldats qu’on peut oublier les leçons du passé ; ce n’est pas la Bretagne qui sera jamais sourde à la voix de la France. » Les applaudissements frénétiques que soulèvent ces phrases me prouvent que tous les convives sont animés des mêmes sentiments que M. Armez, mais il n’en est pas un certes qui voie dans la loi de trois ans autre chose qu’une garantie de sécurité ; il n’en est pas un qui veuille en faire un instrument d’agression.

De Saint-Brieuc, nous nous dirigeons sur Rennes, où nous parvenons dans l’après-midi par un soleil radieux. La ville est ornée de drapeaux et de guirlandes. La fête fédérale des sociétés de gymnastique, qui est de mon voyage l’occasion maîtresse et le but essentiel, a fait affluer dans la capitale bretonne une multitude de visiteurs. On s’écrase dans les rues. Les cloches des églises sonnent à toute volée.

Des dépêches de Paris annoncent la démission de M. Doumergue. M. Noulens, qui vient d’arriver à Rennes, et M. Jacquier, qui m’a suivi sur les plages, sont très émus d’une décision qu’ils pressentaient, mais qu’ils regrettent. M. Noulens craint que la nouvelle majorité ne le pousse aux Finances et ne cherche à faire donner le portefeuille