Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/160

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aux fonctions qu’il exerce le caractère professionnel qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Il ne peut sans inélégance abandonner ses quatre cent onze électeurs, qui représentent des opinions diverses et qui font simplement confiance à sa technique présidentielle. Il désirerait qu’on ne sût pas que je lui ai offert la mission de constituer le cabinet. Il n’est pas à même d’accepter cette charge. La République ne l’a pas utilisé, lorsqu’il était en âge d’être ministre. Il n’a jamais exercé le pouvoir. Il n’est plus assez jeune pour en commencer aujourd’hui l’apprentissage. Il serait au-dessous de ce qu’on attendrait de lui. Il se connaît bien. Il est fait pour rester Président de la Chambre et non pour devenir Président du Conseil. J’insiste. Je m’adresse à son désintéressement et à son patriotisme. J’ajoute même que son intérêt personnel est d’accord avec l’intérêt général. Il se grandirait en acceptant une tâche qui, si elle n’est pas sans risques, ne sera pas non plus sans gloire. Il vaut mieux mille fois que le poste tranquille où il est retiré. J’ai beau faire : je ne l’ébranle pas, je le sens rivé à son fauteuil.

Je lui déclare alors que je ne puis garder le silence sur ma proposition. Personne ne comprendrait que, dans les circonstances graves où nous sommes, j’eusse négligé de lui offrir la succession de M. Doumergue. Il est très ennuyé et me supplie de ne rien dire. Je tiens bon et j’accepte seulement de rédiger, d’accord avec lui, une note qui ménagera son amour-propre. Nous y marquons discrètement que je l’ai pressenti pour la présidence du Conseil, que le vote de la Chambre m’avait semblé une indication, mais qu’il m’a répondu qu’étant donné le caractère professionnel de l’élection, il