Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/54

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Je ressens la nostalgie du journalisme ; je vous envie parfois de pouvoir défendre avec ardeur vos convictions respectives et, si je trouve dans un article un reproche qui me soit adressé, je suis un instant démangé du désir de riposter, comme l’amputé qui souffre encore du membre qu’il n’a plus. Ces tentations ne vont jamais très loin, parce qu’elles sont bientôt chassées par la conscience de la réalité et par le sentiment du devoir, mais elles sont assez nombreuses et assez puissantes pour accumuler chez un journaliste en disponibilité des regrets de la vie active et des idées de lutte, qui sans doute, après les temps révolus, le ramèneront à son passé. » Il m’a semblé que ce banquet me fournissait effectivement l’occasion de calmer les démangeaisons dont je parlais et que m’avaient causées, depuis quelques semaines, les piqûres renouvelées d’un essaim de moustiques.



4. On sait que le docteur Reymond a servi comme aviateur dès le début de la guerre et qu’il est mort pour la France.


Lundi 2 février

M. Noulens, ministre de la Guerre, et le général Joffre, chef d’État-major général, m’entretiennent de la nouvelle organisation des armées, des dépenses à faire pour le matériel d’artillerie, malencontreusement retardées par l’ajournement de l’emprunt, et des travaux de défense commencés, depuis peu de mois, autour de Nancy. Pendant longtemps, l’État-major avait considéré l’ancienne capitale lorraine comme devant être sacrifiée en cas d’agression de l’Allemagne. Il a aujourd’hui abandonné cette malheureuse conception, mais il s’en faut encore de beaucoup que la frontière soit suffisamment protégée. Je dis à M. Noulens et au général Joffre qu’ils peuvent naturellement compter sur mon concours en conseil des ministres.