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la petite altercation qu’il a eue en 1911 avec sir Francis Bertie, lui a exprimé le désir de rentrer, le plus tôt possible, en grâce auprès de l’Angleterre, avant de redevenir Président du Conseil. Comme M. Clemenceau, M. Caillaux n’accepte jamais de bon cœur que le premier rang. Si c’est une faiblesse ou une force, l’avenir le dira. Mais M. Doumergue n’est pas mort.

Le soir, banquet offert par les enfants du Rouergue à Guillaume Rolland, le vieux clairon de Sidi-Brahim. Plus de mille convives. M. Puech, député, qui a organisé la fête avec ses compatriotes, s’est souvenu que le Président de la République a été jadis officier de chasseurs à pied et m’a prié de présider cette réunion. Tout le Rouergue et toute l’Auvergne ont envahi Paris. Au milieu d’acclamations frénétiques, je rappelle les vieilles campagnes d’Afrique et je félicite le vaillant clairon de 1845 qui a, depuis ses exploits, humblement porté, sur une blouse de facteur rural et sur une tunique de garde forestier, la croix si noblement gagnée. Pendant que je prononce son éloge, Guillaume Rolland m’écoute avec une belle ataraxie. Il a quatre-vingt-quatorze ans et, bien qu’il ait gardé l’ouïe fine et l’esprit clair, il ne prête pas grande importance aux éloges qui lui sont adressés. Il a déjà dit adieu aux honneurs de ce monde.


Lundi 23 février

Visite de sir Francis Bertie. Il est allé à Londres. Il a vu le Roi et sir Ed. Grey. Le Roi désire que le traité avec l’Allemagne ne soit pas publié « avant son voyage en France ». Mais rien de plus. M. Paul Cambon m’avait dit : « Que le traité ne soit pas publié du tout. » La différence est importante. Je la signale au Président du