Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 4, 1927.djvu/99

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d’enquête qui la fait éclater. Tenu par le secret professionnel, il n’a pas cru pouvoir dire à l’instigation de qui il avait demandé la remise de l’affaire Rochette. Il a parlé d’un sieur X… et a par là même excité tous les curiosités. Quel est cet X ?… Les imaginations travaillent. Pour quelques amis échauffés de M. Caillaux, aucun doute. L’X… ne peut être que le Président de la République, et ils le disent, et ils l’écrivent. Dans leur aveuglement stupide, ils ne reculent pas plus devant la bêtise que devant la méchanceté. Qu’importe ? Et mon vieux maître Marc-Aurèle ne m’a-t-il pas enseigné que tel est l’ordre de la nature et que des gens de cette sorte doivent, de toute nécessité, agir ainsi ?

Sur les entrefaites, Rochette lui-même, qui est en fuite, écrit à M. Jean Jaurès, président de la commission d’enquête, une longue lettre dont Me Maurice Bernard reconnaît l’écriture et qui met les points sur les i. Le financier introuvable déclare qu’il avait réellement eu l’intention de produire, pour sa défense, la liste de tous les frais d’émission versés par les établissements de crédit ; le volume était déjà imprimé ; M. Caillaux en a été averti ; il a fait venir Me Maurice Bernard pour savoir si une remise pouvait être accordée sans abus ; et, après l’avoir vu, il a saisi M. Monis, Président du Conseil et ministre de la Justice, qui a mandé M. Fabre. La commission de la Chambre, émue de ces découvertes, entend des témoins, interroge MM. Monis, Caillaux, Fabre, Maurice Bernard, et prolonge indéfiniment son enquête, en répétant chaque jour, sans grand résultat, les derniers mots de Goethe.

Dans l’intervalle, M. Caillaux vient plusieurs