Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/189

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face à face, pour lui dire à brûle-pourpoint sur un ton mi-sérieux, mi-plaisant : « Vous êtes fatigué, croyez-moi. Je suis médecin. Je vous affirme que vous finirez par devenir neurasthénique. Débarrassez-vous d’un fardeau trop lourd ou acceptez, tout au moins, de le partager. »

À vrai dire, M. Messimy n’aurait que trop de raisons d’être las ou même énervé. Sa tâche est immense et ses responsabilités sont écrasantes, bien que tout ou presque tout ce qui concerne les opérations de guerre se passe en dehors de lui. Il est, en outre, très inquiet depuis quelques jours de la lenteur avec laquelle se poursuit la préparation du camp retranché de Paris. Il impute ces retards à l’insuffisance du gouverneur, le général Michel. Il a eu aujourd’hui même avec celui-ci une véritable altercation. Il a fallu que M. Viviani intervint. Il a été décidé que le général Michel serait chargé de commander un secteur et que le général Gallieni, grand soldat et grand administrateur, serait immédiatement, quoique déjà touché par l’impitoyable limite d’âge, nommé gouverneur de Paris. En dehors des troupes de la défense fixe, le camp retranché sera pourvu, comme l’a déjà prescrit Messimy, d’une armée de défense mobile. À cet effet, trois corps d’armée active devront, comme Messimy l’a demandé au G. Q. G., être mis à la disposition du général Gallieni, en plus des troupes territoriales qui se trouvent à Paris et dans la banlieue. La nomination du gouverneur paraîtra demain à l’Officiel, avec ce titre : Gouverneur, commandant les armées de Paris. Toutes ces dispositions prises, dans l’intérêt de la défense éventuelle de la capitale, M. Messimy, le cœur soulagé, cède gracieusement