Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/200

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dans cet état d’exaltation, je me suis borné à lui répondre : « Vous êtes fou, ce qui s’appelle fou. » Il m’avait dit, du reste, comme à MM. Ribot et Thomson qu’il ne dormait plus et ne se soutenait que par le bromure. J’ai fait immédiatement à MM. Viviani, Thomson, Sarraut et Malvy le récit de cette scène attristante. Le Temps de ce soir regrette que M. Clemenceau ne soit pas ministre. Il n’a tenu qu’à lui de l’être. Mais il ne voulait pas être ministre, il voulait être le ministère. Plus je réfléchis, plus je me dis : « Tant que la victoire est possible, il est capable de tout compromettre. » Un jour viendra peut-être où j’ajouterai : « Maintenant que tout parait perdu, il est capable de tout sauver. »

Pour le moment, laissons passer l’orage et remettons-nous au travail. Aujourd’hui encore les nouvelles sont très mélangées. L’armée belge a dû suspendre son mouvement d’attaque au sud de Malines et se replier sur Anvers. Elle a attiré sur elle deux divisions allemandes. En France, des éléments de cavalerie ennemie ont atteint Combes à dix kilomètres de Péronne. D’autres ont pénétré à Saint-Quentin. Maubeuge est complètement investie par les IXe et VIe corps allemands. Sur le front de notre 4e armée, la bataille est en plein développement. Nous avons contre attaqué, mais nous n’avons pu empêcher la traversée de la Meuse à Donchery, à Mouzon, à Pouilly. Des colonnes ennemies sont arrivées à Consenvoye et à Damvillers. C’est seulement plus à l’est que le sort des armes nous est redevenu favorable. La 1re et la 2e armées continuent à déblayer la trouée de Charmes et poursuivent victorieusement le nettoyage de notre frontière. Et