Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/207

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M. Clemenceau broie plus de noir encore que M. Caillaux et, depuis quelques jours, il ne s’agite pas moins. Sous son inspiration, M. Jeanneney, sénateur, qui est cependant un esprit fin et réfléchi, vient trouver Félix Decori et lui déclare tout net que si le gouvernement ne convoque pas les Chambres, nous assumerons la plus lourde des responsabilités. M. Clemenceau essaie également de mettre en branle les présidents Dubost et Deschanel. Il commence à émouvoir le premier. Le second résiste mieux. À vrai dire, du reste, la Chambre est encore en session. C’est elle qui s’est volontairement mise en congé le 4 août. Le décret de clôture n’a pas été lu. Les présidents des Assemblées sont donc libres de les convoquer dans les conditions prévues par les règlements. Mais à quoi servirait, à la veille d’une bataille, une réunion du Parlement ? Et la parole ne doit-elle pas aujourd’hui céder devant les armes ?

La proclamation rédigée par Viviani peut suffire comme manifestation du pouvoir civil. Elle a été acceptée, après quelques retouches, par Millerand et par tous les autres ministres. C’est une promesse solennelle de vigilance et d’énergie. C’est aussi un pressant appel à la confiance et à l’esprit de résolution. Tout le gouvernement a signé ; mais comme ce manifeste prend la forme d’une déclaration du nouveau cabinet, il a été convenu que mon nom n’y figurerait point.

La faute commise à Lille est, en partie, réparée. Le préfet du Nord a déjà pu organiser un convoi de trente-sept wagons, chargés de fusils et d’équipements militaires, laissés dans la ville. Il a fait diriger le tout sur Dunkerque. Il n’y a plus, nous télégramme-t-il, et nous nous en étonnons, un seul