Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/229

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pour se replier sur Paris, en même temps que la 6e armée, et on livrerait alors bataille devant la ville, à l’aide de ces forces et de celles de la garnison.

Dès lors, le général Joffre estime que le départ immédiat du gouvernement ne s’impose plus et j’éprouve, à ce nouvel avis, un soulagement indicible, car plus approche l’heure fatale qu’on m’a fait prévoir, moins je m’accoutume à l’idée de quitter Paris. Un ministre au moins pense comme moi. C’est M. Ribot. Il estime qu’il importe, en tout cas, avant de songer à partir, d’attendre la bataille qui se livrera sous les murs de la ville. Je dis à Viviani, je dis au colonel Pénelon, pour qu’il le répète à Joffre, que je compte me rendre, ce jour-là, aux armées et que personnellement, je ne m’éloignerai de Paris que si une défaite nous condamne tous à partir.

M. Léon Bourgeois me supplie, à son tour, de combattre tout projet de départ précipité. Je lui réponds que je continuerai à soutenir mon opinion, qui est la sienne ; et, en effet, je reviens à la charge devant le Conseil des ministres. Ribot et Marcel Sembat m’appuient. Mais Millerand maintient avec énergie la thèse du commandement, qu’il s’est appropriée. Il ne saurait, dit-il, comme ministre de la Guerre, accepter la responsabilité de laisser investir le gouvernement. Un parti de uhlans peut traverser la Seine et faire sauter, derrière Paris, les lignes de chemin de fer. il serait insensé d’exposer à un tel risque toutes les administrations centrales, tous les organes dont dépend la vie du pays. M. Doumergue opine dans le sens du ministre de la Guerre et prononce, avec une fermeté grave, cette phrase qui me donne