Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/318

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Conseil. Je les ai donc soumis au gouvernement et on a décidé de supprimer un mot qui a choqué certains ministres. C’est le mot grandeur. On a admis que je fisse des vœux pour le pape et pour son pontificat; on n’a pas supporté que je pusse souhaiter à ce pontificat d’être grand ! Petitesse et misère ! En revanche, dans la lettre au cardinal, on a laissé cette négligence « sensible aux sentiments », pour corriger, sans doute, par cette double affirmation de sensibilité mutuelle la froideur à laquelle on se croit tenu par la politique. Après quoi, on a jugé que, pour ne pas rendre le cabinet officiellement responsable de ma lettre, je devais l’envoyer sans le contreseing de Delcassé. Ce que j’ai fait, non sans trouver que ces chicanes manquaient un peu d’élégance.

Nous commençons à nous demander ce que cache le silence du quartier général. Que se passe-t-il au front ? On nous avait dit que l’ennemi s’était arrêté malgré lui et que nous étions sûrs de le déloger. On nous annonce maintenant qu’il n’interviendra plus aucune « décision » avant deux ou trois jours et que la situation est à peu près sans changement. Quel est ce mystère ? Hier, dans son instruction n° 5657, Joffre disait au général Maunoury : « Il semble que l’ennemi exécute des glissements de troupes vers le nord-ouest à l’abri de l’organisation défensive établie sur tout le front. Il y a lieu de constituer, à l’aile gauche de notre dispositif, une masse capable, non seulement de parer au mouvement débordant de l’ennemi, mais aussi d’assurer l’enveloppement. » En exécution de cet ordre, notre aile gauche a légèrement progressé, mais elle n’a nullement réussi à envelopper