Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/363

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responsable, il avait été remis, comme tant d’autres, à la disposition du ministre. Le général en chef a dû procéder ainsi à des coupes sombres dans le commandement. Obligé de frapper vite et fort, il a peut-être commis involontairement des erreurs et des injustices. Mais la loi suprême n’est-elle pas aujourd’hui de sauver la patrie coûte que coûte ?

L’officier de liaison, commandant Herbillon, vient nous dire à Tours que la situation reste sérieuse, sinon grave, dans la région d’Arras. Comme il fallait le craindre, Douai a été repris par les Allemands. Pour protéger cette ville, le XXIe corps devait être transporté dans la région de Lille et tâcher de déborder les forces allemandes en lutte avec le détachement de Maud’huy ; mais il n’a pu débarquer que fort en arrière, vers Saint-Pol, Merville et Armentières ; et il a même dû, presque aussitôt, se replier encore plus au sud, dans les environs de Lens, où il s’est fixé sur la hauteur de Notre-Dame de Lorette. Il paraît donc y avoir un commencement de poussée allemande vers le nord-ouest et vers la mer. D’autre part, nous avons capté un radio ainsi conçu : « Sa Majesté désire que demain, 4 octobre, sa cavalerie soit sur les derrières de l’ennemi. » Le 4 octobre, c’est aujourd’hui même. Comment cet ordre impérial a-t-il été exécuté ? Le commandant Herbillon ne le sait pas encore.

Vers huit heures du soir, nous repartons par une nuit splendide, sous un ciel pur et constellé ; nous suivons les bords de la Loire, qui sont tout baignés de lune ; nous traversons Blois, dont une douce clarté enveloppe le château, et plusieurs fois arrachés aux visions de la guerre par la beauté nocturne