Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/430

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en Angleterre. Elle leur télégraphie tous les jours, par un câble dont elle me dit, avec gratitude, que nos territoriaux gardent jalousement le point d’atterrissage. Sur cette plage de bains de mer, dans ce cadre de lumière et de joie, cette infortune royale, si vaillamment supportée, a, tout à la fois, quelque chose de grandiose et d’attendrissant. Au moment où je me dispose à prendre congé d’elle, la reine me prie de la laisser nous photographier, le roi et moi, devant la villa, au milieu des dunes. Elle me remettra un peu plus tard cette photographie et je la garderai pieusement, en souvenir de ces heures cruelles. Comme nous allons partir pour Furnes, arrivent Joffre et Millerand. Je les présente à la reine, à qui Joffre dit, en quelques mots, sa confiance et ses espoirs. Je répète moi-même que la France ne déposera pas les armes avant que la Belgique ait été délivrée et, en prononçant ces mots, j’ai conscience de prêter, au nom de tous mes compatriotes, un serment solennel.

Nous remontons en automobile découverte et nous filons rapidement, dans la plaine uniforme et glacée, vers la vieille ville qu’ont jadis saccagée les Vandales et qui est aujourd’hui menacée de connaître, de nouveau, les épreuves de sa jeunesse. Elle a été bombardée hier. Ce matin, nous voyons passer dans le ciel deux ou trois taubes qui la survolent et qui semblent exercer une surveillance, mais aucun obus ne vient déranger la belle réception qui m’est préparée.

Sur la pittoresque place de l’Hôtel-de-Ville sont rangés d’un côté un escadron de chasseurs à cheval français, un de nos pelotons d’infanterie et une de nos musiques ; rien de plus ; nos hommes sont