Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/559

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résistance irréductible. Nous ne sommes arrivés à percer ni au centre, ni aux ailes. Nous interdisons tout mouvement à l’adversaire, mais lui-même nous lie les mains et les pieds. Il ne semble y avoir aucune raison pour que les Allemands et nous, nous ne restions pas ainsi face à face, éternellement.

Et cependant, pour tout Français qui garde son sang-froid et qui réfléchit, ce sont des promesses de succès que nous laisse, en partant, l’année qui va mourir. Je ne dirai pas que le temps travaille pour nous ; il ne travaille jamais que pour ceux qui s’aident eux-mêmes ; mais il va nous permettre de nous aider. Ce matériel qui nous manque, nous allons pouvoir le fabriquer ou l’acheter. Toutes les mers nous sont ouvertes ; nous communiquons librement, non seulement avec nos alliés, mais avec l’Amérique. Nos ennemis au contraire, sont à peu près bloqués. L’Angleterre et ses dominions préparent les armées que lord Kitchener nous a fait espérer pour 1915 ; nous exerçons nous-mêmes une jeunesse impatiente de rejoindre ses aînés ; nos alliés et nous, nous aurons bientôt des forces. fraîches, mieux armées et mieux équipées que jamais. Comment ne pas faire confiance à l’avenir ?

Tout nous interdit de désespérer. Pour moi, si quelque doute m’effleurait, je demanderais simplement à la France de me soutenir et de me réconforter. Jour et nuit, je la sens présente. Plus elle souffre, plus elle m’apparaît comme un être concret, comme une personne vivante aux traits familiers. Je la vois, debout auprès de moi, portant encore au flanc ses blessures de 1870, mais calme, fière, résolue ; et je l’entends qui me