Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 7, 1931.djvu/17

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Mais voici que la lettre de Joffre au ministre, lue par Millerand, agite de nouveau les esprits, « Malgré une supériorité marquée, écrit le général en chef au ministre, les Russes reculent devant les Austro-Allemands, ce fait s’expliquant évidemment par leur pénurie en armes et en munitions. En ce qui concerne l’avenir, il importe de ne pas nous leurrer de fausses espérances. La reconstitution des puissantes armées modernes ne s’improvise pas du jour au lendemain ; on ne crée pas des cadres, on ne fabrique pas en grand nombre des obus et des fusils ; il peut donc se passer des mois avant que les Russes soient en état de reprendre l’offensive… N’oublions pas que nous avons atteint le maximum de notre état militaire. Si les Anglais doivent, au cours de l’hiver prochain, nous amener des forces nouvelles, nous ne pouvons plus, nous, que décroître au point de vue des effectifs. Or les faits sont là pour démontrer (et actuellement le monde entier le sait) que seule l’armée française peut tenir tête à l’armée allemande et la battre. Non seulement l’occasion d’agir est favorable, mais c’est pour nous un étroit devoir envers les Russes, devoir auquel ils n’ont pas failli dans des circonstances analogues. Enfin, nous sommes formellement engagés par le protocole de la Conférence du 7 juillet dernier, approuvé par les représentants militaires de toutes les puissances alliées et je considère que votre signature et la mienne comportent l’engagement de la France. En définitive, les circonstances sont trop incertaines actuellement pour que nous puissions prélever sur nos armées du nord-est des forcés à diriger sur les Dardanelles. » Bref, l’opinion du général en chef se résume en trois ou quatre mots,