Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 8, 1931.djvu/22

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tend avec une automobile découverte et par Houdain, Barlin, Hersin, Sains-en-Gohelle, me conduit le long du front, au village dévasté de Bully-Grenay. Là, nous descendons et, n’en déplaise à Clemenceau, nous mettons des casques. Ainsi coiffés, nous suivons un boyau long de sept kilomètres et demi, qui laisse à gauche la fameuse fosse Calonne et qui n’est pas trop détérioré par l’humidité. Au fond, sont étendus des caillebotis en petits rondins ou des planches couvertes de fils de fer en losanges, qui forment un chemin assez praticable. Nous poussons jusqu’aux tranchées de première ligne, occupées par le 102e régiment territorial. Le colonel Joseph Huguet, un de mes anciens condisciples de Bar-le-Duc, me fait visiter une partie de son secteur, qui paraît bien aménagé. Les premières tranchées sont très convenablement construites et abondamment garnies de sacs à terre ; les créneaux laissent toutefois à désirer ; il y en a peu qui ne soient trop larges et trop fragiles, étant simplement composés de quatre planches clouées. Les guetteurs sont tous attentifs, dans leurs logettes, avec leurs masques à la ceinture et, devant eux, des paillotes prêtes à être brûlées en cas d’attaques par les gaz. Je descends dans plusieurs abris souterrains, où les hommes sont assez bien installés. Pendant notre visite, nos batteries de 75 n’ont pas cessé de tirer ; à notre droite, les batteries allemandes commencent à riposter sur le bois en hache et les éclats volent jusqu’à nous. Le général d’Urbal recommande aux soldats de rentrer dans leurs abris.

Joseph Huguet me dit que le 102e reste douze jours à la tranchée et douze jours dans un cantonnement bombardé. Jamais de repos. Je signale