Page:Poincaré - Comment fut déclarée la guerre de 1914, Flammarion, 1939.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

Conseil des ministres, qui siège en ce moment, le télégramme de ce matin de notre ambassadeur à Berlin signalant les dangers des tergiversations anglaises. Sir A. Nicolson, que j’ai vu ce matin ; m’a dit que l’opinion commençait à s’émouvoir. La remise du débat sur l’Irlande indique que le Parlement se rend compte de la gravité de la situation. Sir Ed. Grey m’a donné rendez-vous pour cette après-midi. Paul Cambon.

Londres, 31 juillet 1914, 21 h. 44. L’ambassadeur d’Allemagne ayant demandé ce matin à sir Ed. Grey si l’Angleterre observerait la neutralité dans le conflit qui semble imminent, sir Ed. Grey a répondu « que l’Angleterre ne pourrait pas rester neutre dans un conflit général et que, si la France y était impliquée, l’Angleterre y serait entraînée ». Ceci m’a été dit à titre d’information.

C’est après cet entretien que le Conseil des ministres a délibéré sur la situation. La majorité des ministres a pensé qu’à l’heure actuelle elle n’était pas telle que le gouvernement britannique pût obtenir du Parlement l’autorisation de nous garantir qu’il interviendrait et qu’il convenait d’attendre qu’elle prît de nouveaux développements.

J’ai demandé ce que le gouvernement britannique entendait par ces mots. Faut-il attendre que notre territoire soit envahi, alors qu’en fait toutes les dispositions prises par l’Allemagne indiquent une agression prochaine ? Le secrétaire d’État m’a parlé d’un ultimatum ou de telle communication analogue, comme de nature à créer une situation nouvelle. J’ai prié sir Ed. Grey de soumettre à une nouvelle délibération du cabinet les considérations que je lui avais exposées. Il m’a dit qu’il le ferait aussitôt qu’il pourrait s’autoriser d’une modification dans la situation.

Londres, 31 juillet 1914, 20 h. 42 (suite du précédent). Cette notification (modification ?) semble résulter des nouvelles dispositions prises sur notre frontière et de la mobilisation allemande qui s’annonce. J’ai demandé au secrétaire d’État des Affaires étrangères de me faire une déclaration identique à celle qu’il venait de faire au prince Lichnowsky. Il m’a répondu qu’il ne pouvait me donner une garantie sans l’autorisation du Parlement ; qu’avec l’ambassadeur d’Allemagne il ne s’agissait pas de garantie et qu’il fallait seulement dissiper les illusions qu’on se faisait à Berlin sur les dispositions de l’Angleterre.

Le prince Lichnowsky a reçu cet après-midi un télégramme de Berlin l’informant de la mobilisation russe, du décret de l’empereur Guillaume établissant l’état de guerre et d’une communication du gouvernement allemand au gouvernement russe l’avisant que si, dans un délai de douze heures, ses mesures militaires ne sont pas arrêtées, la mobilisation allemande sera décrétée.

Londres, 31 juillet 1914, 20 h. 40. Le cabinet se réunira de nouveau demain. Sir Ed. Grey, qui est partisan de l’intervention immédiate, ne manquera pas, je suppose, de renouveler ses propositions. Dans le Conseil de ce matin, il a été question de la neutralité belge et des télégrammes ont été adressés dans la journée aux