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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

31 juillet 1914, 10 h. 45. La (mot passé) mobilisation générale de l’armée russe est ordonnée.

Un télégramme analogue, envoyé par le comte de Pourtalès à la Wilhelmstrasse et parti de Saint-Pétersbourg à 10 h. 20, est arrivé à Berlin à 11 h. 40.

Le retard insolite qu’a subi le message de M. Paléologue, transmis via Bergen, est donc inexplicable et bien des commentateurs s’en sont naturellement étonnés. Mais le fait est là, confirmé par les archives du Quai d’Orsay et par le témoignage de M. Viviani.

Dans l’après-midi, nous avions reçu de M. Jules Cambon les informations suivantes :

Berlin, 31 juillet, 2 h. 17, reçu 15 h. 30 (no 235). Très urgent. D’après ce qu’on me rapporte, l’ambassadeur d’Allemagne à Pétersbourg aurait télégraphié que la Russie venait de décider la mobilisation totale en réponse à la mobilisation totale autrichienne. Dans ces conditions, il faut s’attendre à la publication presque immédiate de l’ordre général de mobilisation allemande.

« En réponse à la mobilisation générale autrichienne », disait M. Jules Cambon, et il pensait que telle était aussi la version de l’ambassadeur d’Allemagne à Saint-Pétersbourg, et, à Paris, en recevant ces nouvelles décousues, nous avons eu fatalement la même impression. Elle n’était pas tout à fait exacte et, en réalité, on le verra dans un instant, les deux décisions avaient été à peu près concomitantes.

Berlin, le 31 juillet 1914, 15 h. 50, reçu à 16 h. 25 (no 236). Le secrétaire d’État vient de me faire demander. Il m’a dit qu’il avait le grand regret de me faire connaître qu’en présence de la mobilisation totale de l’armée russe l’Allemagne, dans l’intérêt de la sécurité de l’Empire, se voyait obligée de prendre de graves mesures de précaution. On a décidé ce qu’on appelle « l’état de guerre menaçant », qui permet à l’autorité de proclamer, si elle le juge utile, l’état de siège, de suspendre certains services publics et de fermer la frontière. En même temps, on demande à Pétersbourg de démobiliser, sans quoi l’Allemagne serait obligée de mobiliser de son côté. M. de Jagow m’a fait connaître que M. de Schœn était chargé d’informer le gouvernement français des résolutions du cabinet de Berlin et de lui demander quelle attitude il croirait pouvoir adopter. M. de Jagow se fait peu d’illusions ; il m’a paru profondément ému ; il s’est plaint vivement de la précipitation de la Russie, qui rend inutile la médiation de l’empereur d’Allemagne, que, d’après lui, l’empereur de Russie avait demandée et que l’Autriche (mots passés) d’accepter. Pour ma part, j’ai regretté l’attitude de l’Autriche depuis le commencement de la crise. Signé : Jules Cambon.

Berlin, 31 juillet, 17 h. 49, reçu 20 h. 45 (no 239). L’ambassadeur de Russie, à qui M. de Jagow a fait la même communication qu’à moi, m’a dit qu’il n’avait aucun avis de Pétersbourg lui permettant de croire à la mobilisation totale