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RAYMOND POINCARÉ

sage comme il suit : À l’heure présente, la plupart des nations ont mobilisé leurs forces. Même des pays protégés par la neutralité ont cru devoir prendre cette mesure à titre de précaution. Vient ensuite ce passage qui, dans la pensée de M. Viviani concerne l’Allemagne : Des puissances dont la législation constitutionnelle ou militaire ne ressemble pas à la nôtre ont, sans avoir pris un décret de mobilisation, commencé et poursuivi des préparatifs qui équivalent, en réalité, à la mobilisation même et n’en sont que l’exécution anticipée. La France, qui a toujours affirmé ses volontés pacifiques, qui a, dans des jours tragiques, donné à l’Europe des conseils de modération et un vivant exemple de sagesse, qui a multiplié ses efforts pour maintenir la paix du monde, s’est elle-même préparée à toutes les éventualités, et a pris, dès maintenant, les premières dispositions indispensables à la sauvegarde de son territoire. Mais notre législation ne permet pas de rendre ces préparatifs complets s’il n’intervient pas un décret de mobilisation. Soucieux de sa responsabilité, sentant qu’il manquerait à un devoir sacré s’il laissait les choses en l’état, le gouvernement vient de prendre le décret qu’impose la situation. Toutes ces phrases, qui sont celles du manifeste définitif, sont, à quelques mots près, de la main de M. Viviani, et elles expriment, comme toutes les autres, du reste, la pensée unanime du cabinet.

Le manuscrit contient également la fameuse déclaration : La mobilisation n’est pas la guerre, qui a été si souvent raillée, en ces dernières années, par des exégètes maussades. M. Viviani avait écrit : La mobilisation n’est pas la guerre. Dans les circonstances présentes, elle apparaît comme le meilleur moyen d’assurer la paix dans la dignité et l’honneur. Le texte définitif est resté à peu près le même : La mobilisation n’est pas la guerre. Dans les circonstances présentes, elle apparaît, au contraire, comme le meilleur moyen d’assurer la paix dans l’honneur. Ce langage est évidemment le seul qui puisse sauvegarder les dernières chances de détente. Le gouvernement serait impardonnable de ne pas le tenir à la France et à l’Europe.

Nous terminons ainsi : Fort de son ardent désir d’aboutir à une solution pacifique de la crise, le gouvernement, à l’abri de ces précautions nécessaires, continuera ses efforts diplomatiques et il espère encore réussir.

Il compte sur le sang-froid de cette noble nation pour qu’elle ne se laisse pas aller à une émotion injustifiée. Il compte sur le patriotisme de tous les Français et sait qu’il n’en est pas un seul qui ne soit prêt à faire son devoir.

À cette heure, il n’y a plus de partis. Il y a la France éternelle, la France pacifique et résolue. Il y a la patrie du droit et de la justice, tout entière unie dans le calme, la vigilance et la dignité.

Le cabinet a donc lui-même, dans la préparation de ce manifeste, donné l’exemple de l’union qu’il recommande au pays. À la sortie du Conseil, lorsque M. Malvy lit ce texte aux nombreux journalistes accourus dans les salons de la place Beauvau, ils sont tous profon-