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RAYMOND POINCARÉ

des Affaires étrangères m’a rappelé qu’au cours de la discussion du traité de 1867 lord Derby et lord Clarendon avaient déclaré que la convention différait de celle relative à la neutralité belge, en ce sens que l’Angleterre était tenue de faire respecter cette dernière convention sans le concours des autres Puissances garantes, tandis que, pour le Luxembourg, toutes les Puissances devaient agir de concert dès (un mot passé). La violation du Luxembourg est néanmoins un argument à faire valoir en prévision d’une violation de la Belgique. La neutralité belge est considérée en Angleterre comme si importante que, dans le Conseil convoqué pour ce soir, afin d’arrêter les termes des déclarations à faire demain à la Chambre des communes, sir Ed. Grey demandera à être autorisé à dire qu’une violation de cette neutralité serait considérée comme un casus belli… Signé : P. Cambon.

À Rome, en revanche, la décision est prise. Le Conseil des ministres a siégé la nuit passée et a définitivement confirmé la neutralité de l’Italie.

De son côté, M. Venizelos a spontanément déclaré à M. du Halgouët que, si les choses aboutissent à une conflagration générale, en aucun cas la Grèce ne se trouvera dans un camp opposé à celui de la Triple-Entente.

Dans la matinée et dans l’après-midi, le Conseil des ministres, réuni sous ma présidence, fait une fois de plus, sous la conduite de M. Viviani, le tour de toutes les capitales européennes. Il considère maintenant que les minutes sont comptées et que nous n’échapperons plus à la guerre. Il se félicite de l’excellente attitude de tous les partis, y compris les socialistes et la Confédération générale du Travail. Sur la proposition du ministre de l’Intérieur, le gouvernement décide, en principe, de n’arrêter aucun des individus portés au carnet B ou, en d’autres termes, considérés comme suspects. Il n’y aura d’exception que lorsque les préfets auront affaire à des anarchistes dangereux. Le Conseil soumet à ma signature un décret proclamant l’état de siège. Cette décision entraîne la convocation des Chambres dans un délai maximum de quarante-huit heures. Puisque nous n’avons pas encore de réponse précise de l’Angleterre, le gouvernement préfère ne réunir le Parlement que mardi.

Tous les ministres sont animés du plus sincère esprit de concorde. À la demande de M. Malvy, ils décident de suspendre l’application du décret qui a récemment ordonné la fermeture des établissements congréganistes. On accordera, d’autre part, aux révolutionnaires condamnés pour délits de presse le plus grand nombre de grâces qu’il sera possible.

Non ; il n’y a plus de partis. Le prince Roland Bonaparte m’écrit qu’il se met entièrement au service du gouvernement de la République. La loi de 1886 ne nous permet pas d’accueillir, de sa part, un engagement militaire. Mais je le remercie de son offre patriotique et il me répond