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COMMENT FUT DÉCLARÉE LA GUERRE DE 1914

premier ministre déclarerait aujourd’hui à la Chambre des communes que l’Allemagne avait été invitée à retirer son ultimatum à la Belgique et à donner sa réponse à l’Angleterre ce soir avant minuit. Signé : Paul Cambon. »— « No 203, 7 h. 28. Secret. J’ai demandé à sir Ed. Grey ce que son gouvernement ferait si la réponse de l’Allemagne était négative. « La guerre, a-t-il répondu. — Comment ferez-vous la guerre ? Embarquerez-vous immédiatement votre corps expéditionnaire ? — Non, nous bloquerons tous les ports allemands. Nous n’avons pas encore envisagé l’envoi d’une force militaire sur le continent. Je vous ai déjà expliqué que nous avions besoin de nos forces pour parer à notre défense sur certains points et que le sentiment public n’était pas favorable à une expédition. — Vos explications, ai-je répondu, ne m’ont pas paru satisfaisantes et il ne me semble pas que vous deviez vous arrêter à d’aussi fragiles considérations. Quant au sentiment public, il n’est pas aujourd’hui ce qu’il était il y a trois jours. Il veut la guerre avec tous ses moyens. La minute est décisive. Un homme d’État la saisirait. Vous serez obligé par la poussée de l’opinion à intervenir sur le continent, mais votre intervention, pour être efficace, doit être immédiate. » Je montrai alors sur la carte les dispositions de notre défense et la nécessité d’être protégés sur notre gauche en cas de violation de la neutralité belge. J’ajoutai que, dans les accords de nos États-majors, les embarquements du matériel et des approvisionnements devaient commencer le deuxième jour de la mobilisation et que chaque instant perdu amènerait des complications dans l’exécution de notre programme. J’ai prié le secrétaire d’État des Affaires étrangères de saisir le premier ministre et le cabinet de ces considérations. Il m’a promis de le faire. Signé : Paul Cambon. »

En Belgique cependant, les événements se précipitent : « Bruxelles, le 4 août 1914, 9 h. 40. Le ministre d’Allemagne informe ce matin le ministère des Affaires étrangères belge que, par suite du refus du gouvernement belge, le gouvernement impérial se voit obligé d’exécuter par la force des armes les mesures de sécurité indispensables vis-à-vis des menaces françaises. Signé : Klobukowski. »

« Bruxelles, no 103, 11 h. 46. Nous venons d’assister à une séance inoubliable. Le Parlement tout entier, sans distinction de partis, a acclamé le Roi, qui, dans un discours éloquent et très énergique, a déclaré que la patrie était en danger et saurait défendre son indépendance jusqu’au bout. Le président du Conseil a lu ensuite, au milieu d’un profond silence, l’ultimatum allemand, la réponse du gouvernement royal et la lettre, adressée ce matin au ministère des Affaires étrangères, par laquelle M. de Below déclare que le gouvernement impérial « assurera au besoin par la force des armes les mesures de nécessité exposées comme indispensables vis-à-vis des menaces françaises ». M. de Broqueville a lu ensuite une déclaration du gouvernement faisant appel à l’union de tous les partis en face du péril qui menace la Belgique et il a terminé par ces mots : « Un pays qui défend son indépendance peut être vaincu ; mais il ne sera jamais soumis. " Cette séance s’est achevée au milieu de l’enthousiasme. »