Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/104

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des longueurs que l’on peut exprimer en mètres et centimètres, mais que l’on ne saurait mesurer en toises, pieds et pouces, de sorte que l’expérience, en constatant l’existence de ces longueurs, contredirait directement cette hypothèse qu’il y a des toises partagées en six pieds ?

Examinons la question de plus près. Je suppose que la ligne droite possède dans l’espace euclidien deux propriétés quelconques que j’appellerai A et B ; que dans l’espace non euclidien elle possède encore la propriété A, mais ne possède plus la propriété B ; je suppose enfin que, tant dans l’espace euclidien que dans l’espace non euclidien, la ligne droite soit la seule ligne qui possède la propriété A.

S’il en était ainsi, l’expérience pourrait être apte à décider entre l’hypothèse d’Euclide et celle de Lobatchevsky. On constaterait que tel objet concret, accessible à l’expérience, par exemple un pinceau de rayons lumineux, possède la propriété A ; on en conclurait qu’il est rectiligne et on chercherait ensuite s’il possède ou non la propriété B.

Mais il n’en est pas ainsi, il n’existe pas de propriété qui puisse, comme cette propriété A, être un critère absolu permettant de reconnaître la ligne droite et de la distinguer de toute autre ligne.

Dira-t-on par exemple : « cette propriété sera la suivante : la ligne droite est une ligne telle qu’une figure dont fait partie cette ligne ne peut se mouvoir sans que les distances mutuelles de