Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

J’admets qu’on puisse mesurer l’accélération, parce que je passe sur la difficulté provenant de la mesure du temps. Mais comment mesurer la force, ou la masse ? Nous ne savons même pas ce que c’est.

Qu’est-ce que la masse ? C’est, répond Newton, le produit du volume par la densité. — Il vaudrait mieux dire, répondent Thomson et Tait, que la densité est le quotient de la masse par le volume.

— Qu’est-ce que la force ? C’est, répond Lagrange, une cause qui produit le mouvement d’un corps ou qui tend à le reproduire. — C’est, dira Kirchhoff, le produit de la masse par l’accélération. Mais alors, pourquoi ne pas dire que la masse est le quotient de la force par l’accélération ?

Ces difficultés sont inextricables.

Quand on dit que la force est la cause d’un mouvement, on fait de la métaphysique, et cette définition, si on devait s’en contenter, serait absolument stérile. Pour qu’une définition puisse servir à quelque chose, il faut qu’elle nous apprenne à mesurer la force ; cela suffit d’ailleurs, il n’est nullement nécessaire qu’elle nous apprenne ce que c’est que la force en soi, ni si elle est la cause ou l’effet du mouvement.

Il faut donc définir d’abord l’égalité de deux forces. Quand dira-t-on que deux forces sont égales ? C’est, répondra-t-on, quand, appliquées à une même masse, elles lui impriment une même accélération, ou quand, opposées directement l’une à l’autre, elles se font équilibre. Cette définition