Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/151

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on irait ainsi, accumulant les complications, jusqu’à ce que le Copernic attendu les balaye toutes d’un seul coup, en disant : Il est bien plus simple d’admettre que la terre tourne.

Et de même que notre Copernic à nous nous a dit : il est plus commode de supposer que la terre tourne, parce qu’on exprime ainsi les lois de l’astronomie dans un langage bien plus simple ; celui-là dirait : Il est plus commode de supposer que la terre tourne, parce qu’on exprime ainsi les lois de la mécanique dans un langage bien plus simple.

Cela n’empêche pas que l’espace absolu, c’est-à-dire le repère auquel il faudrait rapporter la terre pour savoir si réellement elle tourne, n’a aucune existence objective. Dès lors, cette affirmation : « la terre tourne », n’a aucun sens, puisqu’aucune expérience ne permettra de la vérifier ; puisqu’une telle expérience, non seulement ne pourrait être ni réalisée, ni rêvée par le Jules Verne le plus hardi, mais ne peut être conçue sans contradiction ; ou plutôt ces deux propositions : « la terre tourne », et : « il est plus commode de supposer que la terre tourne », ont un seul et même sens ; il n’y a rien de plus dans l’une que dans l’autre.

Peut-être ne se contentera-t-on pas encore de cela, et trouvera-t-on déjà choquant que, parmi toutes les hypothèses ou plutôt toutes les conventions que nous pouvons faire à ce sujet, il y en ait une qui soit plus commode que les autres.