Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une autre, nous avions cru devoir énoncer les mêmes rapports dans un autre langage. Elles avaient ainsi conservé une sorte de vie latente.

Il y a quinze ans à peine, y avait-il rien de plus ridicule, de plus naïvement vieux jeu que les fluides de Coulomb ? Et pourtant les voilà qui reparaissent sous le nom d’électrons. En quoi ces molécules électrisées d’une façon permanente diffèrent-elles des molécules électriques de Coulomb ? Il est vrai que, dans les électrons, l’électricité est supportée par un peu de matière, mais si peu ; en d’autres termes, elles ont une masse (et encore voilà qu’aujourd’hui on la leur conteste) ; mais Coulomb ne refusait pas la masse à ses fluides, ou, s’il le faisait, ce n’était qu’à regret. Il serait téméraire d’affirmer que la croyance aux électrons ne subira plus d’éclipse ; il n’en était pas moins curieux de constater cette renaissance inattendue.

Mais l’exemple le plus frappant est le principe de Carnot. Carnot l’a établi en partant d’hypothèses fausses ; quand on s’aperçut que la chaleur n’est pas indestructible, mais peut être transformée en travail, on abandonna complètement ses idées ; puis Clausius y revint et les fit définitivement triompher. La théorie de Carnot, sous sa forme primitive, exprimait, à côté de rapports véritables, d’autres rapports inexacts, débris des vieilles idées ; mais la présence de ces derniers n’altérait pas la réalité des autres. Clausius n’a eu qu’à les écarter comme on émonde des branches mortes.

Le résultat a été la seconde loi fondamentale de la thermodynamique. C’étaient toujours les mêmes