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Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/74

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médiennes. Ils les construisent en rejetant l’axiome d’Archimède en vertu duquel toute longueur donnée, multipliée par un entier suffisamment grand, finira par surpasser toute autre longueur donnée si grande qu’elle soit. Sur une droite non archimédienne, les points de notre géométrie ordinaire existent tous, mais il y en a une infinité d’autres qui viennent s’intercaler entre eux, de telle sorte qu’entre deux segments, que les géomètres de la vieille école auraient regardés comme contigus, on puisse caser une infinité de points nouveaux. En un mot, l’espace non archimédien n’est plus un continu du second ordre, pour employer le langage du chapitre précédent, mais un continu du troisième ordre.


De la nature des axiomes. — La plupart des mathématiciens ne regardent la géométrie de Lobatchevsky que comme une simple curiosité logique ; quelques-uns d’entre eux sont allés plus loin cependant. Puisque plusieurs géométries sont possibles, est-il certain que ce soit la nôtre qui soit vraie ? L’expérience nous apprend sans doute que la somme des angles d’un triangle est égale à deux droits ; mais c’est parce que nous n’opérons que sur des triangles trop petits ; la différence, d’après Lobatchevsky, est proportionnelle à la surface du triangle : ne pourra-t-elle devenir sensible quand nous opérerons sur des triangles plus grands ou quand nos mesures deviendront plus précises ? La géométrie euclidienne ne serait ainsi qu’une géométrie provisoire.