Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/97

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est possible si l’on suppose que les membres de ces êtres se dilatent d’après la même loi que les autres corps du monde qu’ils habitent.

Bien qu’au point de vue de notre géométrie habituelle les corps se soient déformés dans ce déplacement et que leurs diverses parties ne se retrouvent plus dans la même situation relative, cependant nous allons voir que les impressions de l’être sentant sont redevenues les mêmes.

En effet, si les distances mutuelles des diverses parties ont pu varier, néanmoins les parties primitivement en contact sont revenues en contact. Les impressions tactiles n’ont donc pas changé.

D’autre part, en tenant compte de l’hypothèse faite plus haut au sujet de la réfraction et de la courbure des rayons lumineux, les impressions visuelles seront aussi restées les mêmes.

Ces êtres imaginaires seront donc comme nous conduits à classer les phénomènes dont ils seront témoins et à distinguer parmi eux, les « changements de position » susceptibles d’être corrigés par un mouvement volontaire corrélatif.

S’ils fondent une géométrie, ce ne sera pas comme la nôtre, l’étude des mouvements de nos solides invariables ; ce sera celle des changements de position qu’ils auront ainsi distingués, et qui ne sont autres que les « déplacements non euclidiens », ce sera la géométrie non euclidienne.

Ainsi des êtres comme nous, dont l’éducation se ferait dans un pareil monde, n’auraient pas la même géométrie que nous.