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L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS

il ne s’agit pas de comparer les positions des objets A et B dans l’espace absolu ; la question n’aurait alors manifestement aucun sens ; il s’agit de comparer les positions de ces deux objets par rapport à des axes invariablement liés à mon corps, en supposant toujours ce corps ramené à la même attitude.

Je suppose qu’entre les instants α et β, je n’aie bougé ni mon corps, ni mon œil, ce dont je suis averti par mon sens musculaire. Je n’ai remué non plus ni ma tête, ni mon bras, ni ma main. Je constate qu’à l’instant α des impressions que j’attribuais à l’objet A m’étaient transmises les unes par une des fibres de mon nerf optique, les autres par un des nerfs sensitifs tactiles de mon doigt ; je constate qu’à l’instant β, d’autres impressions que j’attribue à l’objet B me sont transmises, les unes par cette même fibre du nerf optique, les autres par ce même nerf tactile.

Il est nécessaire ici de m’arrêter pour une explication ; comment suis-je averti que cette impression que j’attribue à A, et celle que j’attribue à B et qui sont qualitativement différentes me sont transmises par le même nerf ? Doit-on supposer, pour prendre par exemple les sensations visuelles, que A produit deux sensations simultanées, une sensation purement lumineuse a et une sensation colorée a', que B produit de même simultanément