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L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS

foule d’associations d’idées, qui sont le fruit d’une longue expérience personnelle et de l’expérience plus longue encore de la race. Sont-ce ces associations (ou du moins celles d’entre elles que nous avons héritées de nos ancêtres), qui constituent cette forme à priori dont on nous dit que nous avons l’intuition pure ? Alors je ne vois pas pourquoi on la déclarerait rebelle à l’analyse et on me dénierait le droit d’en rechercher l’origine.

Quand on dit que nos sensations sont « étendues » on ne peut vouloir dire qu’une chose, c’est qu’elles se trouvent toujours associées à l’idée de certaines sensations musculaires, correspondant aux mouvements qui permettraient d’atteindre l’objet qui les cause, qui permettraient, en d’autres termes, de se défendre contre elles. Et c’est justement parce que cette association est utile à la défense de l’organisme, qu’elle est si ancienne dans l’histoire de l’espèce et qu’elle nous semble indestructible. Néanmoins, ce n’est qu’une association et on peut concevoir qu’elle soit rompue ; de sorte qu’on ne peut pas dire que la sensation ne peut entrer dans la conscience sans entrer dans l’espace, mais qu’en fait elle n’entre pas dans la conscience sans entrer dans l’espace, ce qui veut dire, sans être engagée dans cette association.

Je ne puis comprendre non plus qu’on dise que l’idée de temps est postérieure logiquement à l’es-