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LA VALEUR DE LA SCIENCE

et si, pour avoir le temps de les acquérir, il faut négliger l’art et la science qui seuls nous font des âmes capables d’en jouir,


et propter vitam vivendi perdere causas.


D’ailleurs, une science uniquement faite en vue des applications est impossible ; les vérités ne sont fécondes que si elles sont enchaînées les unes aux autres. Si l’on s’attache seulement à celles dont on attend un résultat immédiat, les anneaux intermédiaires manqueront, et il n’y aura plus de chaîne.

Les hommes les plus dédaigneux de la théorie y trouvent sans s’en douter un aliment quotidien ; si l’on était privé de cet aliment, le progrès s’arrêterait rapidement et nous nous figerions bientôt dans l’immobilité de la Chine.

Mais c’est assez nous occuper des praticiens intransigeants. À côté d’eux, il y a ceux qui sont seulement curieux de la nature et qui nous demandent si nous sommes en état de la leur mieux faire connaître.

Pour leur répondre, nous n’avons qu’à leur montrer les deux monuments déjà ébauchés de la Mécanique Céleste et de la Physique Mathématique.

Ils nous concéderaient sans doute que ces monuments valent bien la peine qu’ils nous ont coûtée. Mais ce n’est pas assez.