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L’ASTRONOMIE

pensait Kepler lui-même quand, par exemple, il cherchait si les distances des planètes au Soleil n’avaient pas quelque rapport avec les cinq polyèdres réguliers. Cette idée n’avait rien d’absurde, mais elle eût été stérile, puisque ce n’est pas ainsi que la Nature est faite. C’est Newton qui nous a montré qu’une loi n’est qu’une relation nécessaire entre l’état présent du monde et son état immédiatement postérieur. Toutes les autres lois, découvertes depuis, ne sont pas autre chose, ce sont, en somme, des équations différentielles ; mais c’est l’Astronomie qui nous en a fourni le premier modèle sans lequel nous aurions sans doute erré bien longtemps.

C’est elle aussi qui nous a le mieux appris à nous défier des apparences. Le jour où Copernic a prouvé que ce qu’on croyait le plus stable était en mouvement, que ce qu’on croyait mobile était fixe, il nous a montré combien pouvaient être trompeurs les raisonnements enfantins qui sortent directement des données immédiates de nos sens ; certes, ses idées n’ont pas triomphé sans peine, mais, après ce triomphe, il n’est plus de préjugé si invétéré que nous ne soyons de force à secouer. Comment estimer le prix de l’arme nouvelle ainsi conquise ?

Les anciens croyaient que tout était fait pour l’homme, et il faut croire que cette illusion est