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CRISE ACTUELLE DE LA PHYSIQUE MATHÉMATIQUE

l’énergie en se propageant restait toujours attachée à quelque substratum matériel, la matière en mouvement entraînerait la lumière avec elle et Fizeau a démontré qu’il n’en est rien, au moins pour l’air. C’est ce que Michelson et Morley ont confirmé depuis. On peut supposer aussi que les mouvements de la matière proprement dite sont exactement compensés par ceux de l’éther, mais cela nous amènerait aux mêmes réflexions que tout à l’heure. Le principe ainsi entendu pourra tout expliquer, puisque, quels que soient les mouvements visibles, on aura toujours la faculté d’imaginer des mouvements hypothétiques qui les compensent. Mais s’il peut tout expliquer, c’est qu’il ne nous permet de rien prévoir, il ne nous permet pas de choisir entre les différentes hypothèses possibles, puisqu’il explique tout d’avance. Il devient donc inutile.

Et puis les suppositions qu’il faudrait faire sur les mouvements de l’éther ne sont pas très satisfaisantes. Si les charges électriques doublent, il serait naturel d’imaginer que les vitesses des divers atomes d’éther doublent aussi, et, pour la compensation, il faut que la vitesse moyenne de l’éther quadruple.

C’est pourquoi j’ai longtemps pensé que ces conséquences de la théorie, contraires au principe de Newton, finiraient un jour par être aban-