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LA SCIENCE EST-ELLE ARTIFICIELLE ?

C’est grâce à ces artifices que par un nominalisme inconscient, les savants ont élevé au-dessus des lois ce qu’ils appellent des principes. Quand une loi a reçu une confirmation suffisante de l’expérience, nous pouvons adopter deux attitudes, ou bien laisser cette loi dans la mêlée ; elle restera soumise alors à une incessante revision qui sans aucun doute finira par démontrer qu’elle n’est qu’approximative. Ou bien on peut l’ériger en principe, en adoptant des conventions telles que la proposition soit certainement vraie. Pour cela on procède toujours de la même manière. La loi primitive énonçait une relation entre deux faits bruts A et B ; on introduit entre ces deux faits bruts un intermédiaire abstrait C, plus ou moins fictif (tel était dans l’exemple précédent l’entité impalpable de la gravitation). Et alors nous avons une relation entre A et C que nous pouvons supposer rigoureuse et qui est le principe ; et une autre entre C et B qui reste une loi révisable.

Le principe, désormais cristallisé pour ainsi dire, n’est plus soumis au contrôle de l’expérience. Il n’est pas vrai ou faux, il est commode.

On a trouvé souvent de grands avantages à procéder de la sorte, mais il est clair que si toutes les lois avaient été transformées en principes, il ne serait rien resté de la science. Toute loi peut se décomposer en un principe et une loi, mais il est