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L’INTUITION ET LA LOGIQUE EN MATHÉMATIQUES

tions, Weierstrass et Riemann. Weierstrass ramène tout à la considération des séries et à leurs transformations analytiques ; pour mieux dire, il réduit l’Analyse à une sorte de prolongement de l’Arithmétique ; on peut parcourir tous ses Livres sans y trouver une figure. Riemann, au contraire, appelle de suite la Géométrie à son secours, chacune de ses conceptions est une image que nul ne peut oublier dès qu’il en a compris le sens.

Plus récemment, Lie était un intuitif ; on aurait pu hésiter en lisant ses ouvrages, on n’hésitait plus après avoir causé avec lui ; on voyait tout de suite qu’il pensait en images. Mme Kowalevski était une logicienne.

Chez nos étudiants, nous remarquons les mêmes différences ; les uns aiment mieux traiter leurs problèmes « par l’Analyse », les autres « par la Géométrie ». Les premiers sont incapables de « voir dans l’espace », les autres se lasseraient promptement des longs calculs et s’y embrouilleraient.

Les deux sortes d’esprits sont également nécessaires aux progrès de la Science ; les logiciens, comme les intuitifs, ont fait de grandes choses que les autres n’auraient pas pu faire. Qui oserait dire s’il aimerait mieux que Weierstrass n’eût jamais écrit, ou s’il préférerait qu’il n’y eût pas eu de Riemann ? L’Analyse et la Synthèse ont donc