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L’INTUITION ET LA LOGIQUE EN MATHÉMATIQUES

aujourd’hui, tromper encore bien des lecteurs non prévenus.

L’intuition ne nous donne donc pas la certitude. Voilà pourquoi l’évolution devait se faire ; voyons maintenant comment elle s’est faite.

On n’a pas tardé à s’apercevoir que la rigueur ne pourrait pas s’introduire dans les raisonnements, si on ne la faisait entrer d’abord dans les définitions.

Longtemps les objets dont s’occupent les mathématiciens étaient pour la plupart mal définis ; on croyait les connaître, parce qu’on se les représentait avec les sens ou l’imagination ; mais on n’en avait qu’une image grossière et non une idée précise sur laquelle le raisonnement pût avoir prise.

C’est là d’abord que les logiciens ont dû porter leurs efforts.

Ainsi pour le nombre incommensurable.

L’idée vague de continuité, que nous devions à l’intuition, s’est résolue en un système compliqué d’inégalités portant sur des nombres entiers.

Par là, les difficultés provenant des passages à la limite, ou de la considération des infiniment petits, se sont trouvées définitivement éclaircies.

Il ne reste plus aujourd’hui en Analyse que des nombres entiers ou des systèmes finis ou infinis de nombres entiers, reliés entre eux par un réseau de relations d’égalité ou d’inégalité.