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LA VALEUR DE LA SCIENCE

nismes sont formés de cellules ; les chimistes ajoutent que les cellules elles-mêmes sont formées d’atomes. Cela veut-il dire que ces atomes ou que ces cellules constituent la réalité, ou du moins la seule réalité ? La façon dont ces cellules sont agencées et d’où résulte l’unité de l’individu, n’est-elle pas aussi une réalité, beaucoup plus intéressante que celle des éléments isolés, et un naturaliste, qui n’aurait jamais étudié l’éléphant qu’au microscope, croirait-il connaître suffisamment cet animal ?

Eh bien ! en Mathématiques, il y a quelque chose d’analogue. Le logicien décompose pour ainsi dire chaque démonstration en un très grand nombre d’opérations élémentaires ; quand on aura examiné ces opérations les unes après les autres et qu’on aura constaté que chacune d’elles est correcte, croira-t-on avoir compris le véritable sens de la démonstration ? L’aura-t-on compris même quand, par un effort de mémoire, on sera devenu capable de répéter cette démonstration en reproduisant toutes ces opérations élémentaires dans l’ordre même où les avait rangées l’inventeur ?

Évidemment non, nous ne posséderons pas encore la réalité tout entière, ce je ne sais quoi qui fait l’unité de la démonstration nous échappera complètement.

L’Analyse pure met à notre disposition une