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LA VALEUR DE LA SCIENCE

l’expérience nous démontre que l’espace a trois dimensions. L’expérimentateur pose à la nature une interrogation : est-ce ceci ou cela ? et il ne peut la poser sans imaginer les deux termes de l’alternative. S’il était impossible de s’imaginer l’un de ces termes, il serait inutile et d’ailleurs impossible de consulter l’expérience. Nous n’avons pas besoin d’observation pour savoir que l’aiguille d’une horloge n’est pas sur la division 15 du cadran, puisque nous savons d’avance qu’il n’y en a que 12, et nous ne pourrions pas regarder à la division 15 pour voir si l’aiguille s’y trouve, puisque cette division n’existe pas.

Remarquons également qu’ici les empiristes sont débarrassés de l’une des objections les plus graves qu’on peut diriger contre eux, de celle qui rend absolument vains d’avance tous leurs efforts pour appliquer leur thèse aux vérités de la géométrie euclidienne. Ces vérités sont rigoureuses et toute expérience ne peut être qu’approchée. En Analysis Sitûs les expériences approchées peuvent suffire pour donner un théorème rigoureux et, par exemple, si l’on voit que l’espace ne peut avoir ni deux ou moins de deux dimensions, ni quatre ou plus de quatre, on est certain qu’il en a exactement 3, car il ne saurait en avoir 2 et demi ou 3 et demi.

De tous les théorèmes de l’Analysis Sitûs, le plus