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Page:Poincaré - La mécanique nouvelle, 1923.djvu/42

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sera d’autant plus grande que la vitesse des planètes sera plus grande. S’il y a une différence appréciable, ce sera donc pour Mercure qu’elle sera la plus grande, Mercure ayant de toutes les planètes la plus grande vitesse. Or il arrive justement que Mercure présente une anomalie non encore expliquée : le mouvement de son périhélie est plus rapide que le mouvement calculé parla théorie classique. Sa vitesse angulaire est de 38" plus [177] grande qu’elle ne devrait être. Le Verrier attribua cette anomalie à une planète non encore découverte et un astronome amateur crut observer son passage sur le Soleil. Depuis lors, plus personne ne l’a vue et il est malheureusement certain que cette planète aperçue n’était qu’un oiseau.

Or, la mécanique nouvelle rend bien compte du sens de l’erreur relative à Mercure, mais elle nous donne seulement un mouvement de 6" ; elle laisse donc encore une marge de 32" entre elle et l’observation. Elle ne suffit donc pas pour ramener la concordance dans la théorie de Mercure. Si ce résultat n’est guère décisif en faveur de la mécanique nouvelle, il est encore moins défavorable à son acceptation, puisque le sens dans lequel elle corrige l’écart de la théorie classique est le bon. C’est d’ailleurs, entre l’ancienne et la nouvelle mécanique, la seule différence que les observations astronomiques puissent déceler. Le périhélie est le seul élément qui soit atteint. La théorie des autres planètes n’est pas sensiblement modifiée dans la nouvelle théorie et les résultats coïncident, à l’approximation des mesures près, avec ceux delà théorie classique. Il en est encore de même en ce qui concerne la théorie de la Lune.

Pour conclure, il serait prématuré, je crois, malgré la grande valeur des arguments et des faits érigés contre elle, de regarder la mécanique classique comme définitivement condamnée. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, elle restera la mécanique des vitesses très petites par rapport à la vitesse de la lumière, la mécanique donc de notre vie pratique et de notre technique terrestre. Si cependant, dans quelques années sa rivale triomphe, je me permettrai de vous signaler un écueil pédagogique que n’éviteront pas nombre de maîtres, en France, tout au moins. Ces maîtres n’auront rien de plus pressé, en enseignant la mécanique élémentaire à leurs élèves, que de leur apprendre que cette mécanique-là a fait son temps, qu’une mécanique nouvelle, où les notions de masse et de temps ont une toute autre valeur, la remplace ; ils regarderont de haut cette mécanique périmée que les programmes