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hypothèses cosmogoniques

mais cette atmosphère absorbée par le Soleil est devenue de plus en plus ténue et a fini un jour par disparaître ; à partir de ce moment les orbites des planètes n’ont plus varié. Cette théorie rend bien compte de la faiblesse des excentricités, mais elle n’explique pas celle des inclinaisons.

Il ne faudrait pas croire que si notre système solaire a évolué dans le passé, il a atteint aujourd’hui son état définitif ; que l’atmosphère plus ou moins ténue dans laquelle nageaient pour ainsi dire les corps célestes ayant été résorbée et ayant disparu, les planètes, désormais séparées les unes des autres par le vide, sont ainsi soustraites à une résistance passive. Même à distance, ces résistances peuvent entrer en jeu ; on sait qu’on a construit des moteurs qui utilisent la puissance des marées ; ces moteurs ne peuvent créer de l’énergie, il faut qu’ils l’empruntent à une source quelconque, et cette source ne peut être que la force vive des corps célestes. Si l’homme n’avait pas construit de moteurs, l’énergie ainsi empruntée n’aurait pas été utilisée, elle se serait perdue inutilement en frottements, en chocs des vagues sur les côtes ; mais dans un cas comme dans l’autre, la force vive des astres va sans cesse en diminuant ; la vitesse de rotation de la Terre diminue constamment, mais avec une extrême lenteur ; cela est arrivé beaucoup plus rapidement pour la Lune et le processus s’est poursuivi jusqu’à ce que la durée de sa rotation soit devenue exactement égale à celle de sa révolution ; de telle sorte que notre satellite nous présente toujours la même face.

Ce phénomène a joué dans l’évolution cosmogonique un rôle que Sir G. H. Darwin a bien mis en évidence. Deux causes tendaient à modifier la rotation des planètes ; l’action des marées dont nous venons de parler tendait à la ralentir et, plus exactement, à lui donner même sens et même durée qu’à la révolution de l’astre autour du Soleil ; d’autre part, le refroidissement et la contraction, en diminuant le moment d’inertie, tendait au contraire à l’accélérer. La première de ces deux causes a transformé la rotation des planètes primitivement rétrograde en une rotation directe de même durée que la révolution orbitale ; c’est ensuite que la seconde