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xiv
hypothèses cosmogoniques

leur dix mille fois plus grande que celle que donnerait la combustion d’un globe de charbon gros comme le Soleil.

La nébuleuse solaire a sans doute été froide au début et elle s’est échauffée parce qu’elle se contractait.

Nous voilà bien loin de la nébuleuse de Laplace, primitivement très étendue parce qu’elle était très chaude et qui se contractait parce qu’elle se refroidissait. On est ainsi amené à se demander comment va se comporter une masse gazeuse soumise à la gravitation ; elle ne peut perdre de la chaleur sans se refroidir, ni se refroidir sans se contracter, ni se contracter sans s’échauffer. Que va-t-il en résulter en somme ? Sa température va-t-elle s’élever bien qu’elle perde de la chaleur par rayonnement, comme si sa chaleur spécifique était négative ? Ou bien enfin allons-nous avoir à la fois contraction et refroidissement ? On peut donner une réponse à cette question s’il s’agit d’un gaz parfait : s’il est monoatomique ou diatomique, il se contractera quand il perdra de la chaleur par rayonnement, mais sa température augmentera, il se comportera comme si sa chaleur spécifique était négative ; au contraire, il se contractera en se refroidissant, s’il est polyatomique ou bien encore s’il est assez condensé pour s’écarter notablement des lois d’un gaz parfait.

Quoi qu’il en soit, on n’aura ainsi de chaleur que pour 50 millions d’années ; et alors les transformistes et les géologues ont jeté les hauts cris : « Cinquante millions d’années, qu’est-ce que c’est que cela ! Comment voulez-vous qu’en aussi peu de temps, nous fassions évoluer les espèces, que nous engloutissions des continents et que nous en fassions surgir de nouveaux, que nous élevions deux chaînes de montagnes pareilles aux Alpes, comme les chaînes calédonienne et hercynienne et que nous les rasions ensuite par le lent mécanisme de l’érosion ? » Ces plaintes paraissent légitimes, et il faut bien 200 millions d’années depuis le début du dévonien ; mais alors d’où vient la chaleur solaire, si son origine n’est ni mécanique, ni chimique au sens ordinaire du mot ? La question paraissait sans réponse quand on a découvert le radium. Lui seul paraissait capable de tout expliquer ; tout au