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préface

reconstituer à coup sûr toute l’histoire de cette division, bien que ces cellules soient désormais fixées et inertes.

La cosmogonie va-t-elle donc sortir de l’âge des hypothèses et de l’imagination pour devenir une science expérimentale, ou tout au moins une science d’observation ? Bien mieux, de temps en temps nous voyons naître une étoile, qui s’allume inopinément dans le Ciel, pour diminuer promptement d’éclat et prendre un spectre qui rappelle celui des nébuleuses planétaires ; de sorte qu’on n’a jamais vu une nébuleuse se transformer en étoile comme le voulait Laplace[1], et que, au contraire, on a vu souvent une étoile se transformer en nébuleuse. La nature n’est-elle pas là surprise en flagrant délit dans sa fonction créatrice ?

Il ne faut pas pourtant se leurrer de vaines illusions ; de trop grandes espérances seraient au moins prématurées. Et ce qui le prouve, c’est la diversité des opinions des astronomes sur l’évolution des étoiles, et en particulier sur l’origine des étoiles nouvelles. La première pensée, la plus naturelle, a été que les nébuleuses sont extrêmement chaudes et représentent la première phase de l’évolution, et pour ainsi dire l’enfance des astres, et qu’on rencontre ensuite les étoiles blanches, puis les étoiles jaunes et enfin les étoiles rouges de plus en plus vieilles et en même temps de plus en plus froides. Pour Sir N. Lockyer, l’histoire du monde stellaire a été plus compliquée ; les nébuleuses, sont au contraire très froides (et sur ce point je crois que tout le monde est aujourd’hui d’accord et qu’on regarde la lumière dont elles brillent comme d’origine électrique). Elles ne sont en réalité qu’un essaim de météorites ; par leurs chocs incessants, ces météorites s’échauffent, se vaporisent et forment finalement une masse gazeuse extrêmement chaude, en un mot une étoile ; les chocs ont alors cessé et le calme renaît ; par l’effet du rayonnement, l’étoile se refroidit peu à peu et finit par s’éteindre et s’encroûter ; elle repasse dans l’ordre inverse par les stades de température

  1. Il ne faut pas tirer de là un argument contre la théorie de Laplace, l’illustre astronome n’ayant jamais prétendu qu’une nébuleuse devait se transformer en étoile en quelques jours ou en quelques mois.