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Page:Poincaré - Leçons sur les hypothèses cosmogoniques, 1911.djvu/20

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hypothèses cosmogoniques

raient à l’attraction totale et les mouvements propres des étoiles seraient beaucoup plus grands que ceux qu’on a observés.

Cela paraît reposer sur des raisonnements irréfutables ; si la Voie Lactée a atteint l’état stable vers lequel elle tend nécessairement, tout ce que nous venons de dire est vrai, et les mouvements propres doivent être répartis conformément à la loi de Maxwell. Le sont-ils ? l’observation seule peut répondre ; or il paraît bien qu’elle répond, non. D’après Kapteyn et d’autres astronomes tout se passe comme si on se trouvait en présence de deux essaims d’étoiles, obéissant séparément à la loi de Maxwell, mais avec des constantes différentes ; ces deux essaims se pénètrent d’ailleurs mutuellement et ne sont pas séparés. Il semble que deux voies lactées qui avaient atteint leur état d’équilibre final se sont un jour rencontrées, et n’ont pas encore exercé l’une sur l’autre une action assez prolongée pour que les différences qui les distinguent se soient entièrement nivelées. Elles sont semblables à deux bulles gazeuses qui se seraient rencontrées, mais n’auraient pas encore eu le temps de se mélanger. Nous retrouvons ainsi, sous une forme nouvelle et inattendue, cette intervention du choc, dont l’importance cosmogonique a été mise en évidence par l’étude des Novæ, et que nous retrouvons à la base de certaines théories, telles que celle de M. Belot.

Si néanmoins les conclusions de Lord Kelvin subsistent dans leurs traits généraux, et si le nombre des étoiles éteintes n’est pas énorme, nous devons penser que tous les flambeaux de notre ciel se sont allumés à peu près en même temps et que l’âge de la Voie Lactée ne dépasse pas un petit nombre de vies d’étoiles.

L’une des théories cosmogoniques les plus récentes, et à coup sûr l’une des plus originales, est celle de M. Svante Arrhenius. Pour lui, les astres ne sont pas, comme on le pense d’ordinaire, des individus à peu près étrangers les uns aux autres, séparés par des vides immenses et n’échangeant guère que leurs attractions et leur lumière : ils échangent bien d’autres choses, de l’électricité, de la matière et jusqu’à des germes vivants. La pression de radiation est une force qui émane des corps lumineux et qui repousse