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sur l’origine de la chaleur solaire et de la chaleur terrestre

grands changements pendant les temps historiques et probablement aussi pendant une très grande partie des temps géologiques, nous devons en conclure que le Soleil n’est pas simplement assimilable à un corps chaud qui se refroidit, mais que sa chaleur se renouvelle et s’entretient par un procédé quelconque. Un problème se pose donc : Quelle est l’origine de la chaleur solaire ?

140.Hypothèse chimique. — La première idée qui se présente à l’esprit est que, dans le Soleil, la chaleur est peut-être entretenue chimiquement comme dans nos foyers. Mais c’est une hypothèse tout à fait insuffisante, car elle ne permet d’attribuer au rayonnement solaire qu’une durée fort limitée. Un kilogramme de charbon en brûlant dans l’oxygène dégagé 8 000 calories. On en déduit immédiatement qu’un bloc de charbon d’une masse égale à celle du Soleil, sil dégageait par an un nombre de calories égal à 2,7.1020 serait entièrement consumé en 5 600 ans. En supposant le Soleil formé par un mélange détonnant d’hydrogène et d’oxygène, ou par un bloc de coton-poudre brillant par sa surface sans déflagrer, on trouverait un nombre d’années plus grand, mais du même ordre de grandeur, c’est-à-dire encore beaucoup trop petit.

L’hypothèse chimique est donc à rejeter et nous sommes amené, avec Lord Kelvin[1], à examiner si des hypothèses mécaniques ne seraient pas plus satisfaisantes.

141.Hypothèse météorique. — D’après l’hypothèse météorique, dont la première idée remonte à Robert Mayer, la chaleur du Soleil serait entretenue incessamment par les météores qui tombent sur cet astre, la force vive de ceux-ci se transformant en chaleur. Un météore venant de l’infini sans vitesse initiale et tombant en ligne droite sur le Soleil, posséderait en arrivant à sa surface une vitesse de 624 kilomètres par seconde. La chute d’un kilogramme de matière représente, avec cette vitesse, 2.1010 kilogrammètres[2]. Or, le Soleil perd 6.104

  1. Voir Sir William Thomson (Lord Kelvin) : Constitution de la matière (Conférences scientifiques et Allocutions, traduction de P. Lugol, avec des Notes de M. Brillouin, Gauthier-Villars, 1893, p. 225-276). Sur les matières de ce Chapitre, on peut voir aussi J. Bosler : Les Théories modernes du Soleil (Encyclopédie scientifique, O. Doin, 1910), Chap. III et IV.
  2. La combustion de 1 kilogramme de charbon ne dégage que 8000 calories dont l’équivalent mécanique, 3,4.104 kilogrammètres, ne représente que 1/6000 du