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hypothèses cosmogoniques

non plus par toute une arête saillante équatoriale, comme il arrivait pour la nébuleuse solaire de révolution. Donc, au lieu d’un anneau régulièrement disposé autour de la planète, nous aurions une émission de matière s’effectuant par deux points opposés. Roche pense que les diverses masses ainsi délaissées ne présenteraient aucune condition de stabilité ni de durée, et qu’en réalité les satellites ne se sont pas formés dans cette seconde période : ils appartiendraient à une phase bien postérieure ou la durée de la rotation se trouvait déjà tellement réduite que l’allongement de la nébuleuse planétaire vers le Soleil était presque négligeable. La nébuleuse planétaire, devenue alors tout à fait comparable à la nébuleuse solaire, aurait abandonné des anneaux ordinaires de Laplace qui auraient engendré les satellites.

Dans ce cas, aucun satellite ne se serait formé avant que la nébuleuse planétaire ne soit assez contractée pour que la différence entre son plus grand et son plus petit rayon équatorial, soit descendue au dessous d’une certaine limite . Estimant assez arbitrairement cette limite à 4,5 rayons terrestres, Roche en conclut, pour le rayon des différentes nébuleuses planétaires, au moment où elles ont pu commencer à abandonner des anneaux équatoriaux, les valeurs suivantes (exprimées en rayons de la planète correspondante) :

Jupiter  Saturne  Uranus  Neptune
48,6 64,4 155 200

C’est seulement en deçà de ces distances qu’on doit s’attendre à trouver des satellites. Les satellites anciennement connus satisfont bien à cette condition. Mais il n’en est plus de même pour certains satellites récemment découverts : pour Jupiter, par exemple, on connaît un satellite à une distance de la planète égale à 357 rayons. Il y a donc lieu de penser que, contrairement à l’opinion de Roche, les masses gazeuses abandonnées par les deux points coniques de la nébuleuse dans la seconde phase de son existence ont pu concourir à la formation de satellites. Cela, en effet, ne paraît pas impossible à imaginer : les masses successivement abandonnées auraient pu se répartir sur un anneau ; mais si, ce qui est le plus probable, aucun anneau n’avait pu se former, on se serait précisément trouvé dans les mêmes conditions qu’après la rupture de l’anneau devenu instable. Que cet état ait été atteint en passant par une phase d’anneau stable,