Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/128

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C’est ce système complexe d’associations, c’est ce tableau de distribution, pour ainsi dire, qui est toute notre géométrie, ou, si l’on veut, tout ce que notre géométrie a d’instinctif. Ce que nous appelons notre intuition de la ligne droite ou de la distance, c’est la conscience que nous avons de ces associations et de leur caractère impérieux.

Et d’où vient ce caractère impérieux lui-même, il est aisé de le comprendre. Une association nous paraîtra d’autant plus indestructible qu’elle sera plus ancienne. Mais ces associations ne sont pas, pour la plupart, des conquêtes de l’individu, puisqu’on en voit la trace chez l’enfant qui vient de naître : ce sont des conquêtes de la race. La sélection naturelle a dû amener ces conquêtes d’autant plus vite qu’elles étaient plus nécessaires.

A ce compte, celles dont nous parlons ont dû être des premières en date, puisque sans elles la défense de l’organisme été impossible. Des que les cellules n’ont plus été purement juxtaposées, et qu’elles ont été appelées à se porter un mutuel secours, il a bien fallu que s’organise un mécanisme analogue à celui que nous venons de décrire pour que ce secours ne se trompe pas de chemin et aille au-devant du péril.

Quand une grenouille est décapitée, et qu’une goutte d’acide est déposée en un point de la peau, elle cherche à essuyer l’acide avec la patte la plus rapprochée, et, si cette patte est amputée, elle l’enlève