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Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/143

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choix ; comme ce choix a été inconscient, il nous semble qu’il nous est imposé ; les uns disent que c’est l’expérience qui nous l’impose, les autres que nous naissons avec notre espace tout fait ; on voit, d’après les considérations précédentes, quelle est dans ces deux opinions la part de la vérité et la part de l’erreur.

Dans cette éducation progressive qui a abouti à la construction de l’espace, quelle est la part de l’individu, et quelle est celle de la race, c’est ce qu’il est bien difficile de déterminer. Dans quelle mesure un de nous, transporté dès sa naissance dans un monde entièrement différent, où par exemple domineraient des corps se déplaçant conformément aux lois de mouvement des solides non-euclidiens, dans quelle mesure, dis-je, pourrait-il renoncer à l’espace ancestral pour bâtir un espace complètement nouveau ?

La part de la race semble bien prépondérante ; cependant, si c’est à elle que nous devons l’espace grossier, l’espace flou dont je parlais tout à l’heure, l’espace des animaux supérieurs, n’est-ce pas à l’expérience inconsciente de l’individu que nous devons l’espace infiniment précis du géomètre ? C’est une question malaisée à résoudre. Citons cependant un fait qui montre que l’espace que nous ont légué nos ancêtres conserve encore une certaine plasticité. Certains chasseurs apprennent à tirer des poissons sous l’eau, bien que l’image de ces