Aller au contenu

Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

complète ; or dans les raisonnements où notre esprit reste actif, dans ceux où l’intuition joue encore un rôle, dans les raisonnements vivants, pour ainsi dire, il est difficile de ne pas introduire un axiome ou un postulat qui passe inaperçu. Ce n’est donc qu’après avoir ramené tous les raisonnements géométriques à une forme purement mécanique, qu’il a pu être certain d’avoir réussi dans son dessein et d’avoir achevé son œuvre.

Ce que Hilbert avait fait pour la géométrie, d’autres ont voulu le faire pour l’arithmétique et pour l’analyse. Si même ils y avaient entièrement réussi, les Kantiens seraient-ils définitivement condamnés au silence ? Peut-être pas, car en réduisant la pensée mathématique à une forme vide, il est certain qu’on la mutile. Admettons même que l’on ait établi que tous les théorèmes peuvent se déduire par des procédés purement analytiques, par de simples combinaisons logiques d’un nombre fini d’axiomes, et que ces axiomes ne sont que des conventions. Le philosophe conserverait le droit de rechercher les origines de ces conventions, de voir pourquoi elles ont été jugées préférables aux conventions contraires.

Et puis la correction logique des raisonnements qui mènent des axiomes aux théorèmes n’est pas la seule chose dont nous devions nous préoccuper. Les règles de la parfaite logique sont-elles toute la mathématique ? Autant dire que tout l’art du joueur d’échecs se réduit aux règles de la marche des pièces.