Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/24

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nombre des coccinelles qui existent sur notre planète ?

Il est clair que le mot utilité n’a pas pour lui le sens que lui attribuent les hommes d’affaires, et derrière eux la plupart de nos contemporains. Il se soucie peu des applications de l’industrie, des merveilles de l’électricité ou de l’automobilisme qu’il regarde plutôt comme des obstacles au progrès moral ; l’utile, c’est uniquement ce qui peut rendre l’homme meilleur. Pour moi, ai-je besoin de le dire, je ne saurais me contenter ni de l’un, ni de l’autre idéal ; je ne voudrais ni de cette ploutocratie avide et bornée, ni de cette démocratie vertueuse et médiocre, uniquement occupée à tendre la joue gauche, et où vivraient des sages sans curiosité qui, évitant les excès, ne mourraient pas de maladie, mais à coup sûr mourraient d’ennui. Mais cela, c’est une affaire de goût et ce n’est pas ce point que je veux discuter.

La question n’en subsiste pas moins, et elle doit retenir notre attention ; si notre choix ne peut être déterminé que par le caprice ou par l’utilité immédiate, il ne peut y avoir de science pour la science, ni par conséquent de science. Cela est-il vrai ? Qu’il faille faire un choix, cela n’est pas contestable ; quelle que soit notre activité, les faits vont plus vite que nous, et nous ne saurions les rattraper ; pendant que le savant découvre un fait, il s’en produit