Aller au contenu

Page:Poincaré - Science et méthode (Édition définitive).djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tous les faits qui se présentent à lui ; d’autant plus que ces faits c’est lui, j’allais dire c’est son caprice, qui les crée. C’est lui qui construit de toutes pièces une combinaison nouvelle en en rapprochant les éléments ; ce n’est pas en général la nature qui la lui apporte toute faite.

Sans doute il arrive quelquefois que le mathématicien aborde un problème pour satisfaire à un besoin de la physique ; que le physicien ou l’ingénieur lui demandent de calculer un nombre en vue d’une application. Dira-t-on que, nous autres géomètres, nous devons nous borner à attendre les commandes, et, au lieu de cultiver notre science pour notre plaisir, n’avoir d’autre souci que de nous accommoder au goût de la clientèle ? Si les mathématiques n’ont d’autre objet que de venir en aide à ceux qui étudient la nature, c’est de ces derniers que nous devons attendre le mot d’ordre. Cette façon de voir est-elle légitime ? Certainement non ; si nous n’avions pas cultivé les sciences exactes pour elles-mêmes, nous n’aurions pas créé l’instrument mathématique, et le jour où serait venu le mot d’ordre du physicien, nous aurions été désarmés.

Les physiciens non plus n’attendent pas, pour étudier un phénomène, que quelque besoin urgent de la vie matérielle leur en ait fait une nécessité, et ils ont bien raison ; si les savants du XVIIIe siècle avaient délaissé l’électricité, parce qu’elle n’aurait été à leurs yeux qu’une curiosité sans intérêt pratique,