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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/109

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les arpents de neige

— Je le crois. Mais, encore une fois, quel est ton but ?

Cette fois, Jean La Ronde éclata :

— Loucheux ! s’écria-t-il, ta question m’insulte. Suis-je un Bois-Brûlé ou un vagabond ?

— Que mon frère se calme, repartit l’Indien. Je n’ai pas voulu l’offenser. J’accomplirai fidèlement la mission dont il m’a chargé. Mais qu’il n’oublie pas alors que l’homme rouge lui-même risque beaucoup en cette affaire et qu’un schilling c’est bien peu…

— Tu en auras deux.

— L’homme rouge préférerait…

— Quoi ?

— Un peu d’eau de feu dans sa gourde.

Jean parut hésiter un instant. Enfin, d’un air de concession suprême :

— Tu auras ton eau de feu, dit-il.

Joseph Lacroix, toujours aux écoutes, savait désormais tout ce qu’il pouvait savoir. Très doucement, il se retira dans l’ombre, derrière la maison, et attendit.

Un instant après, il vit Pierre-le-Loucheux s’éloigner, tandis qu’un bruit de pas de cheval un peu amorti par la neige se faisait entendre de moins en moins distinct.

Il s’élança devant le bâtiment juste pour voir Jean La Ronde disparaître dans les ténèbres.

— Il court au camp canadien, parbleu ! murmura le chef des éclaireurs. C’est clair comme le jour… Serait-il donc possible que cette maudite Anglouaise… Oh ! mais j’en aurai le cœur net…